Beaucoup plus que des sons


« Sans la musique, la vie serait une erreur »

“I want to disturb my neighbor
Caus’ I’m feeling so right
I want to pull up my disco
Blow them to full watts tonight”

Aux musicien-ne-s, à tout le monde,

Commune à tous les âges, du nôtre aux plus lointains
car élevant les âmes, elle réchauffe les corps ;
feu dans la nuit glaciale, abri dessous l’orage,
preuve qu’il n’y a pas plus divin que l’être humain.

Luxe offert aux oiseaux, aux vents et aux rivières,
aux mouches et aux plantes, pour qui sait écouter…
Perle volée par l’Homme, soit aussi par la Femme
arrachée au mystère, technique autant qu’instinct

Ritournelle infinie qui, plus que la pensée,
bariole, mêle et  tolère des brins de certitude.
Contraires qui n’en sont pas, antipodes apparents,
vérité qui devient, devenir vérité.

Sans avenir ni passé, voilà bien la musique
qui te réclame entier, réel et débordant
infidèle caresse, elle peut s’offrir à d’autres
mais sans nous ne pourrait plus jamais être au monde.

A ce point inutile que, savant ou profane,
personne ne pourrait sans remords s’en passer,
la musique est un monde magique et débonnaire,
océan de chatouilles qu’il suffit d’écouter.

De même qu’une couleur peut aussi être note,
un rythme doit pouvoir se faire respirer.
Les mélodies se goûtent, la musique est humeur,
correspondances exquises que nul ne peut nier.

Ainsi le sol est-il à la fois terre et feu
air que nos bouches sifflent, alchimie ou monnaie
Le si gras de possibles, le do bien trop soumis,
Le mi songeur et triste, le fa doux aliéné…

Mais cessons aussitôt nos singeries rimbaldiennes ;
si son ami voyait entre la poésie,
le chant de quelques notes, coins de ciel étoilé
Nos horizons respirent cent fois leur liberté.

Tempête d’impulsions qui transporte et attise
décuple les matins, gonfle les dimensions ;
la chanson est olympe où confluent des contraires
où tout devient nouveau, inouï mais deviné.

Puissance incontrôlable et liberté rétive
à toute règle idiote qui voudrait la figer.
Subversion souriante de toutes les morales ;
la vie ne survit pas quand elle est suturée.

Art irrévérencieux autant que magnanime
qui chamboule et chahute les baudruches encroûtées.
Enigme qui s’écoute, miracle à fabriquer,
création véritable, animant à créer.

Nous sommes tous musiciens, sauf ceux qui ont peur
qui ne savent pas se taire, encore moins écouter.
S’offrir à la musique, c’est être un peu poète,
c’est faire rimer grandeur avec simplicité.

Les mélodies se jouent et les rythmes ricanent,
des découpeurs en deux, sépareurs séparés.
Populaire ou savante ? La musique déborde
tous les fous qui la font la laissent pulluler.

Elégance qui invite, culte plus qu’éclectique
exact contre-pied du malingre spectacle ;
la musique t’exhorte à faire plus que survivre
à te joindre à la fête, décider de ton sort.

Grimpe de quelques tons, tu deviendras sublime,
traversé de mystères, grimace ta chanson…
Oublies la crainte et crie, tu seras plus vivant
que tous ceux qui silencent, ne font que regarder.

Chante seul si tu le peux ; le chant peut être unique.
Tu raviras alors un public invisible.
Chante en cœur et alors, un sabbat alchimique
transformera en or le plomb des solitudes.

Si tu n’es pas serein, en paix avec toi-même,
explosif et ravi de vivre et d’exister,
ta voix te trahira, en deviendra pénible
autant qu’un instrument claudiquant sous tes doigts

Tu rêves d’être toi ? Comme tu as raison !
Personne n’est heureux de jouer un personnage
De même que si tu feins de prendre une autre voix
Ton faux trébuchera, honteux de n’être rien.

De tous les paradis toujours artificiels,
qui te chavirent ailleurs, vers d’autres territoires
La musique est la fleur, stupéfiante de vie
Elle ne t’embourbera jamais dans le gluant.

Qui doit-on remercier ? Qui sont donc les artistes
qui ont marqué l’Histoire de toutes petites notes ?
Des parias et des fous, des baroques et des gueux,
Il n’y a pas de hasard : il faut chanter debout !

Car combien de refrains ont engrossé l’Histoire ?
Combien d’effervescences ont-ils accompagné ?
Les notes elles-mêmes luttent : certaines hurlent et clabaudent
contre d’autres plus vraies qui refusent d’exclure.

Les muses ont parfois l’heur d’inspirer la souffrance
qu’une oreille futile pourrait nommer tristesse
là où naît la chanson, périt pourtant la peur
fredonner des chagrins colporte les révoltes.

Quel vrai mélomane souffre de mélanomes ?
Et si la mort insiste, il n’y a plus que la vie,
qui parfois joue des tours, ne soyons pas naïfs.
Rien ne nous fait plus peur que ce qui est connu.

A l’échelle de l’Homme, l’écriture est poussière,
microbe anecdotique d’infimes milliers d’années.
La musique, monument, universelle éthique,
qui plus que nos croyances sait être vérité.

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