La vérité sur le
mensonge de l’âge
L’enfant : « - Pourquoi ? »
L’adulte : « - Pasque c’est comme ça ! »
Mais quel âge ai-je au
juste ?
Dois-je m’en
souvenir ?
Oserai-je me réjouir
de l’avoir oublié ?
Aujourd’hui, suis-je
adulte,
majeur et avisé ?
Puis-je faire part de
mes doutes
sur l’âge de
raison ?
Le jeune en moi s’agite
contre le vieux grison.
Leur querelle résonne
ainsi en mon
giron :
« - C’est pas beau de mentir !
-
…à des menteurs à qui on ne la fait pas.
- La curiosité
est un vilain défaut!
-
… que tu regrettes amèrement d’avoir perdu.
- Ne mets pas tes doigts dans ton
nez !
-
… ou cache-toi pour le faire.
- Que veux-tu faire plus tard?
-
un peu tout si possible…
- Innocente fadaise… Il te faudra
choisir!
Allons, console-toi, tu connaîtras
l’amour…
-
Je le connais déjà, mais libre de tout rôle.
De
toute convention.
Qu’ils
soient de ce trottoir ou de celui d’en face,
toi
et tes adultes affichez une identité
sexuelle indiscutable.
Si
indiscutablement indiscutable qu'il y aurait bien des choses à en dire...
L’amour
ne se mesure pas en bouquets achetés.
L’amour
est devenir.
La
fin des contes de fées
m’effraie
comme à chaque fois qu’il est question
de
la fin d’une Histoire.
- …maaaiiis… Tu
verras, quand tu vieilliras …»
-
Vieillir, c’est apprendre à mentir si bien
que
l’on oublie qu’on ment.
Je
vois toujours quand tu mens.
Toi,
tu y es tellement habitué,
que
tu ne conçois même pas que je puisse m’en apercevoir.
Et
encore moins que ma plus grande crainte soit de te ressembler.
- Tu ne sais rien car tu n’as rien
vécu!
-
D’entre nous deux, qui est le plus naïf ? Je verrai autre chose que
toi.
Vieillir
comme toi, c’est s’évertuer à trouver d’autres choses à faire que vivre.
Ou
prendre des médicaments prescris par des bonimenteurs
- qui comme tous les charlatans gagnent très
bien leur vie -
Parce
qu’on a peur de vivre jusqu’au bout.
Alors
que c’est si facile.
Ca
va tellement de soi
que
ça ne va de personne d’autre.
- Un adulte n’est pas libre, mais
responsable!
- Comme
d’autres l’ont été, je veux être les deux.
Qui
t’a menti à propos de la liberté ?
Qui
donc t’a convaincu qu’elle était une outrance ?
Si
tu es vraiment libre, qui doit le décider ?
As-tu
peur de toi-même, ou de ce que l’on t’a interdit ?
Qui
t’a appris à te venger, sinon ceux que tu contemples ?
Ceux
que tu essaies d’imiter,
qui
t’ont appris à prendre garde.
A
tout ce dont on leur a appris à prendre garde.
- Sois-donc un peu sérieux!
- Les
gens sérieux refusent d’entendre qu’il ne faut jamais dire toujours.
Ils
ont tendance à oublier qu’ils changent en même temps que tout le monde.
Ils
se fatiguent à se coucher tard, faire mine de s’étourdir, voire danser un
peu.
L’art
de la jungle leur échappe pourtant.
Ils
le pressentent dangereux.
Les
gens sérieux se méfient donc aussi des enfants, ces seigneurs de la bringue.
Que
les enfants comprennent leur est bien accessoire.
L'important,
c'est qu'ils obéissent.
Les
gens sérieux préfèreraient souvent ne pas.
Les
gens sérieux ne le sont somme toute pas vraiment.
- Ça commence à bien faire. Je t’intime
de de taire!
- C’est
en effet ce que toi et tes adultes savent faire le mieux.
Ils
sont souvent compréhensifs tant que tout se passe selon leurs plans.
Et
puis il y a un moment où les rôles s’inversent…
L’averti
devient colérique.
Le
raisonnable ne raisonne plus.
L’arbitre
devient arbitraire.
Le
sensé choisit la violence.
Le
pondéré croit perdre la face.
L’avisé
prend le doute comme une menace.
L’adulte
dévore l’enfant,
comme
il fut lui-même dévoré.
Croyant
user de solutions, il perpétue tous les problèmes.
- Dans le fond, c’est simple : tu es
fou.
- La
folie n’existe pas ;
C’est
simplement n’avoir personne à qui parler.
Personne
qui te comprenne au moins un peu
- s’il
te comprend un peu, il te comprendra beaucoup -
N’être
entouré que de fous qui se comprennent,
Ou
du moins croient se comprendre »
Se
dire adulte, c’est croire que l’on peut tout arrêter sans mourir.
C’est
croire que l’on peut canaliser la vie qui tout le temps déborde et fait sauter
les digues.
Il
y aura toujours des enfants pour défier l’autorité.
Tous
les pouvoirs doivent sans cesse être questionnés.
La
seule règle qui vaille, c’est la légitimité,
et
son corollaire indispensable, l’exemplarité.
L’arbitraire
n’est jamais dans la force qui met les mensonges à rude épreuve,
il
est dans la non réponse qui somme de se taire.
On
croit que l’on devient adulte à partir du moment où l’on fait des enfants...
Cela
permet de tuer l’enfant qu’on naît et qu’on est et qu’on reste.
Je
suis navré, familles, d’avoir à vous soumettre cette conclusion
paradoxale :
Est
adulte celui qui peut rester enfant.
Qui
sait rire sous la pluie, railler les boniments,
brocarder
tous les cultes, assumer ses errements.
Qui
sourit à l’outrage : « T’es
con comme un adulte ! ».
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