Un somme nié


« Quelle gloire nocturne que d’être grand sans être rien !»


Un somme nié
aux insomniaques de la soumission
réfractaires à la norme bourgeoise
qui rêve que l’obscur soit sans réserve
insomniaques de la vigilance
rebelles à l’apathie
dans la nuit les plus fous veillent soudain sur la ville

Et les idées réveillent et s’agitent dans la jalousie
d’un monde enfin nouveau
pendant que l’ancien ronfle
les utopies surgissent
étonnées d’être là
hilares d’exister
comme existent les songes

Tout bruit devient alors
une douce subversion
Artaud dans son décor à corps d’écorchés vifs
s’en trouve soudain paisible
qui ne vit pas le jour
ignore la puissance
que confère la torpeur
de ténèbres prodigues

Il nous arrive ainsi de tomber amoureux
de minces fulgurances
précédant le sommeil
insaisissables images qui nous tiennent éveillés
mirages moutonnants
comètes inconcevables
pensées époustouflantes
belles comme la liberté


Le noir angoisse ceux
qui survivent le jour
et qui la nuit venue
rêvent d’ordre et de silence
le monde se construit pourtant
comme nous, à chaque instant
et il vaut mieux en rire que mesurer le temps

La fatigue bien sûr
biscorne l’entendement
mais libère les hasards
affûte les intuitions
Culbutons tous les dogmes
et cultivons la brume
l’aube qui en naîtra sera toujours nouvelle

La nuit a le précieux mérite
de déglinguer le jour et ses folles certitudes
des idées brillent d’être bleues
baroques et byzantines
géantes gymnopédiques
et s’il nous est permis de donner un conseil
goûtez enfin aux rêves
qui se vivent éveillés

L’insomnie c’est aussi
bamboches  et ribouldingues
Quels que soient vos conseils
nous renâclons toujours

lorsque que nous vivons
à quitter des amis

ne fût-ce que pour une heure
Ce temps rare et précieux
est divinement offert
à
gaspiller l’indispensable luxe
de pouvoir être soi

La fatigue est d’abord cadette de l’ennui
La joie nous rabiboche
et l’amitié restaure
Vous dormez? Nous dansons!
Voguons de port en port
traversons des tempêtes d’ivresse
des grains de métaphores
giclons de rires bradés
et pourtant si précieux car fugaces et fuyants

Pour vous tous mes amis,
je claque mon sommeil
délice dont je suis par ailleurs fort gourmand
Je dormirai demain
délectable supplice

assouvi de vos rires et de tous nos enfin
Dépensons-donc une part de notre capital de rêve à rêver éveillés
fatiguons-nous de vie pour savourer le sommeil
et ses psychotroperies

Tant qu’il y a des étoiles
qui parfois brillent à en faire peur

nous nous trouverons dessous
à
perdre notre temps à gagner de la vie
à se suffire de moments oubliés le lendemain
qui laissent des buées riantes pour belle lurette
Ami-e-s, faisons l’amour
comme la lune muette

raconte des histoires
qu’il doit être interdit
d’interdire aux enfants

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